De la mer...

C’est embêtant non ? Trois heures perdues. Pas un poisson. Pas de prise, pas une touche. Pas de bol quoi. Enfin c’est un peu le but si j’ai bien compris. Apprendre à être patient. Ce n’est pas ne rien faire, attention ! En étant immobile, avec ma canne, j’apprends. On ne le dirait pas comme ça. J’ai même sûrement l’air un peu coincé. Avec mon bâton et son fil qui pend dans l’eau. Mais c’est le but. C’est ça aussi la pêche. Enfin… c’est ce qu’on se dit aussi quand il ne se passe rien. Trois heures quand même. Je vais rentrer les mains vides. Les poches pleines de sable. C’est une journée tout à fait ordinaire et décevante. Allez un dernier jet…

Hop là ça mord !!

Hola. Oula. C’est pas du menu fretin. C’est même du lourd. C’est un poisson géant ?

Il y a un truc étrange là. C’est pas normal, un poids pareil. Ça n’existe pas par ici. J’ai attrapé quoi ? Un dauphin ? Un requin ? Une… baleine ? Je vais couler. Avec la barque. Quelle idée j’ai eu d’attacher la canne… Je suis foutu, perdu.. Balo ça. Couler comme ça. Sans… Sans même avoir connu une fois l’amour dans ma vie… Bon sang. Je suis pas croyant mais je vais faire un vœu. Pour mes derniers instants. Sait-on jamais. Des fois qu’il y ait un truc qui réalise des choses quelque part et qu’il me voit de loin.

Et puis zut. Je veux pas. C’est pas mon heure, pas mon temps. Mais il faut un miracle là. Au moins.

J’ai tiré de toutes mes forces. C’était moi ou le poiscaille. J’ai tiré par à-coups… de plus en plus fort… pour sauver ma peau. Allez !! D’un dernier coup d’épaule. Je me suis projeté en arrière. C’est sorti. De l’eau. De la mer. Un poisson comme je n’en avais jamais vu. Est-ce que c’était vraiment un poisson ?

A peine relevé, je suis retombé en arrière, de surprise. C’était un cri. A côté de moi, mon poisson hurlait. D’un cri de colère. On aurait dit que j’avais commis un crime impardonnable. Olala la tête me tournait. Je voyais trouble. Et puis je l’ai senti me prendre par le col et… une claque ? Je me faisais baffer par un poisson ? Un poisson qui cognait comme un boxeur et qui criait… Ça n’avait aucun sens.

J’avais les joues gonflées à force… et puis ça s’est arrêté. J’allais pouvoir enfin voir à quoi ressemblait ma prise. Je n’étais pas très rassuré. J’ai relevé la tête, ouvert les yeux en grand. De plus en plus. Hé !? Mais…

J’avais fait un vœu. Connaitre l’amour. Rencontrer une femme avant de mourir. Une belle femme si possible. Une qui voudrait bien de moi. Je crois que j’avais été exaucé au moins en partie.

En partie parce que c’était une femme du haut du corps et un poisson du bas. Une sirène en somme. Elle avait de très beaux cheveux. C’est par là que je l’avais accrochée et je crois que c’est ce qui l’avait énervée. On ne plaisante pas avec les cheveux d’une femme toute sirène qu’elle soit.

Bon la question principale… maintenant. Est-ce qu’elle voudrait bien de moi ?

Elle était calmée. On allait peut-être pouvoir en discuter ? Est-ce que mon souhait allait se réaliser… en entier ?

J’étais intimidé après ces nombreuses baffes. Ça ne facilite pas la communication comme présentation. Comment faire ? Lui dire simplement ?

Je n’en ai même pas eu le temps. J’étais en pleine réflexion. Sur mes mots. Ma diction. Lui déclarer ma flamme en restant calme… Mes projets sont tombés à l’eau quand avec un regard moqueur elle a plongé en rejetant la ligne qui l’avait appâtée.

Pierre